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Honiara, capitale créée de toutes pièces après guerre

Dernière mise à jour : 13 avr. 2023


Mendana avenue où, héritage des Britanniques, on roule à gauche. (Photo Catherine Wilson, DR)

Aucun récit de guerre ne mentionne le nom d’Honiara. Sur le site de l’actuelle capitale étaient le bush, les moustiques, l’eau des rivières et de leur estuaire, la plage au sable volcanique, et une poignée de villages. Une nature vierge, chaude, humide, exténuante pour des combattants. Afin d’administrer, d’une main lointaine, un territoire devenu l’un de ses protectorats, c’était en 1893, l’Empire britannique avait choisi l’autre côté du détroit. A une quarantaine de kilomètres au nord de Guadalcanal, adossés à une grande île appelée Florida, le port naturel et le pittoresque de l’ilot Tulagi s’accordaient bien au blanc des casques coloniaux. Trois résidences, toujours plus vastes, furent successivement aménagées au sommet de la colline. Vue sur le port d’un côté, sur le large de l’autre, club, cricket, tennis ; rien ne manquait pour rappeler au commissionner l’importance de sa mission et les valeurs cardinales de l’Angleterre éternelle.


L’invasion japonaise en mai 1942 dépeupla l’endroit en un clin d’œil. Aussitôt, l’occupant s’attela à transformer le petit home, sweet home tropical en une place forte hérissée de défenses militaires. Trois mois plus tard, à l’identique de Guadalcanal, Tulagi était la cible d’un déluge d’acier et de feu dès le premier matin de l’offensive. Il fallut trois jours aux marines pour se rendre maîtres du port et des ilots tout autour. Des lieux symboliques du protectorat, il ne restait plus grand-chose. Les bombardements et les combats avaient eu raison de la spacieuse villa sur les hauteurs et de nombre d’autres constructions. Plutôt que de rebâtir, la décision fut actée d’utiliser ce qui restait des infrastructures US pour installer la nouvelle administration du territoire et donc de traverser le Iron bottom Sound. Ce qui fut fait à partir de 1952.


Comme Brasilia, Honiara est donc une création ex-nihilo ; mais une création qui aurait oublié de se doter d’un Oscar Niemeyer. Aux audaces maitrisées de l’architecte brésilien, la capitale salomonaise n’oppose qu’une juxtaposition de bâtiments sans grâce et de commerces que n’éclairent ni vitrine, ni fenêtre. Faire utile semble avoir été le maître mot des différents donneurs d’ordre. Seule la cathédrale d’inspiration contemporaine, au sommet de sa volée de marches, fait de l’oeil au promeneur, escale de sérénité largement ventilée en surplomb de la ruche.



La cathédrale et son drôle de paroissien


Coincée entre la mer et les hautes collines qui la contraignent sur son flanc sud, la ville se faufile, toute en longueur, sur plusieurs kilomètres. Un unique axe de circulation chargé en permanence et dépourvu du moindre feu tricolore l’irrigue en son milieu. Les jours de soleil font lever une poussière poisseuse ; sous la violence des averses, ce sont la trouée d’Aremberg et les bas-côtés gorgés d’eau des meilleurs Paris-Roubaix qui sont convoqués. Indifférente à la météo, une foule compacte occupe les lieux, assise à l’ombre ou à l’abri, se déplaçant sans hâte, sauf aux heures où le flot de ceux qui ont un travail vient densifier les effectifs. C’est le moment, deux fois par jour, où se coagule le trafic de Mendana avenue, du patronyme du « découvreur » de l’endroit, en 1568. Devant les grilles de Central market, le grand marché qui se tient quotidiennement, une nuée de minibus éclot alors, s’immobilisant au hasard des espaces disponibles devant des arrêts débordant sur la rue ; le plein fait, ils repartent en dodelinant vers un de ces quartiers périphériques dont la brousse à l‘entour est constellée et où se sont regroupés par ile d’origine celles et ceux qu’ont attirés les lumières de la ville.





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