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Le rôle très précieux et très périlleux des coastwatchers

Dernière mise à jour : 18 avr. 2023


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Le mémorial érigé en 1989 à Honiara en hommage à Jacob Vouza et aux Salomonais qui ont contribué à la victoire des alliés.


William John Read, dit Jack, est un héros. Un de ces nombreux héros anonymes dont les récits de guerre conservent la trace -mais dont le nom demeure la plupart du temps inconnu du public. Dès août 1942, début de la bataille de Guadalcanal, ce sous-officier australien installé sur l’île de Bougainville informe les alliés du passage, quasi-quotidien, des avions et navires impériaux depuis leur fief de Rabaul, à la pointe nord de la Nouvelle Bretagne. C’est un coastwatcher, un observateur du littoral. Sur l’une de ces alertes, les chasseurs américains anticipent et détruisent trente-six des quarante-quatre appareils ennemis.


Les Japonais qui se savent scrutés sont à sa recherche. Il échappe de peu à la mort, change de résidence à plusieurs reprises. Lorsque l’étau se resserre, il organise son évacuation et celle des indigènes qui l’ont aidé. « Il était hors de question que je parte sans eux », se justifie-t-il. Cinq bonnes sœurs figurent parmi la trentaine de personnes qui embarquent en juillet 1943 dans un sous-marin américain. Plus tard, les Etats-Unis le décoreront, mettant en avant son « héroïsme extraordinaire ». Read (photo Wikimedia) retrouvera la Nouvelle-Guinée pacifiée en 1944 comme commandant dans la marine australienne.


A l’image de Jack Read, ils sont des centaines, commerçants, fonctionnaires, planteurs, indigènes, à avoir servi comme coastwatchers. Une initiative australienne. La Grande île a reçu délégation de Londres pour administrer militairement le protectorat des Salomon. Elle connaît bien les territoires voisins. Nombre de ses citoyens y résident. En amont de la déferlante japonaise, cette armée de l’ombre forme une chaîne de 4 000 kilomètres, de la Nouvelle Guinée à l’ouest jusqu’aux Nouvelles Hébrides. Pour tirer le meilleur profit des informations sur ce que prépare l’occupant, chaque maillon est équipé d’un transmetteur radio sur ondes courtes. Portée : 600 kilomètres et même 900 pour ceux qui connaissent le morse. A l’autre bout de la Fréquence X, comme elle est dénommée, la veille est permanente. En très peu de temps, les informations sont traitées puis communiquées aux forces combattantes, dans tout le Pacifique s’il le faut.


« Les coastwatchers ont sauvé Guadalcanal et Guadalcanal a sauvé le Pacifique sud ». Venant de l’amiral Halsey, l’un des hommes-clés de la flotte du Pacifique, l’hommage prend tout son sens.


Car les coastwatchers ne se sont pas contenté de ces missions de veille. Sauvetage de pilotes abattus ou de marins survivant des naufrages, organisation de leur exfiltration, leur champ d’action a vite été bien plus large. Au péril de leur vie. Ce sont deux jeunes Salomonais qui ont permis la récupération de l’équipage du PT 109, commandé par le lieutenant John Fitzgerald Kennedy, 26 ans. Leur vedette lance-torpilles avait été éperonnée par un destroyer japonais. Après trois jours sur un îlot à se nourrir de noix de coco, les onze rescapés avaient vu surgir Biuku Gasa et Eroni Kumana. Porteur du message gravé par JFK dans une noix de coco, les deux coastwatchers avaient parcouru plus de soixante kilomètres en pirogue pour rallier la base alliée la plus proche.


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Une partie de l'équipage du PT 109. A droite, son commandant, le lieutenant J.F. Kennedy (photo US Navy)

Le 8 août 1943, les naufragés du PT 109 étaient secourus. Gasa et Kumana avaient été décorés par le Kennedy Presidential Library and Museum de Boston. Gasa est mort en 2005. En 2014, lors du décès d’Eroni Kumana, alors âgé de 93 ans, le Centre avait montré qu’il avait de la mémoire : « sans les actes héroïques d'hommes comme Eroni Kumana, le président Kennedy et son équipage n'auraient pas pu être sauvés, et il n'aurait pas pu devenir par la suite le chef du monde libre ».

Comme un fétiche, la noix de coco sur laquelle JFK avait gravé au couteau son message de détresse ne l’a plus quitté. Sur sa table de travail dans le bureau ovale de la Maison-Blanche, elle faisait office de presse-papier.


Sans avoir été coastwatchers, nombre de Salomonais ont joué un rôle important aux côtés des alliés dans les années 1942-43. En aidant les soldats à se repérer dans la touffeur de la jungle. En assistant les forces armées dans une guerre qui ne les concernait en rien. Les noms de 145 d’entre eux figurent sur un mur hommage aux morts et disparus néo-zélandais du cimetière militaire de Bourail, en Nouvelle-Calédonie. Même Lawrence Kiko, le deputy director du musée national des Iles Salomon à Honiara, n’en connaissait pas l’existence. Mais comme tous ses compatriotes, il n’ignore rien de l’attitude héroïque du plus illustre d’entre eux.



Jacob Vouza (ici en uniforme américain, sur un timbre à son effigie, photo DR) était commissaire de police et auxiliaire des marines à Guadalcanal lorsque le malheur a voulu qu’il croise une patrouille ennemie. Trahi par le petit drapeau américain que lui avait donné un soldat, il avait subi un interrogatoire interminable. Lié à un arbre, frappé à coups de crosse, il était resté muet. Son silence se prolongeant, il avait eu le ventre, les bras, le visage tailladés à coups de baïonnette. Puis, pour l’achever, la gorge lui avait été tranchée à l’aide d’un sabre. Ses tortionnaires l’avaient laissé pour mort. Mais le supplicié vivait encore. En les rongeant, Jacob Vouza était parvenu à se défaire de ses liens. Il mobilisa ce qui lui restait d’énergie pour se trainer jusqu’à la base des marines. Un calvaire de cinq kilomètres, au terme duquel il avait encore trouvé la force de livrer des informations. 250 à 500 Japonais s’apprêtaient à donner l’assaut au régiment qui tenait l’embouchure de la Ilu river. Préparés en conséquence, les marines signèrent une victoire éclatante dans l’engagement passé à la postérité comme la bataille de la Tenaru ou de Alligator Creek, terminée par des centaines de morts du côté des assaillants japonais et le suicide du colonel Ichiki.


Après douze jours à l’hôpital, Jacob Vouza reprit du service comme éclaireur en chef des marines. Le général Vandergrift en personne le décora de la Silver cross. Il continua d’œuvrer pour la collectivité après le conflit, présidant le conseil de Guadalcanal pendant six ans, assumant d’autres responsabilités. Nombre de marines dont il était devenu l’ami revinrent en pèlerinage à Guadalcanal. Decoré de l’ordre du British Empire, sir Jacob Vouza est décédé en 1984.



Inscirption sur la stèle de Jacob Vouza (Photo DR)

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