7 AOÛT 1942
Huit mois après Pearl Harbor, le premier affrontement terrestre de la guerre du Pacifique a pour cadre l'île de Guadalcanal, aux Salomon. L’objectif des Marines est la prise de l’aérodrome que les Japonais sont sur le point de terminer.
Après plusieurs heures sous le déluge d’un intense pilonnage aérien et naval, les défenseurs sont délogés et se replient dans la forêt. L’aérodrome est pris dès le premier jour, par surprise, en dépit d’un débarquement loin d’être académique. Dans les marmites se trouvent encore le repas préparé par l'ennemi.
Le sort est moins favorable aux troupes appelées à s’emparer des îles et îlots, Florida, Tulagi, Tanambogo, Gavutu qui font face à l’île principale. Les Japonais en ont fait autant de places fortes qu’ils défendent farouchement.
NUIT DU 8 AU 9 AOÛT
Alerté, le QG impérial lance une flotte de contre-attaque depuis Rabaul, son port stratégique en Nouvelle Guinée, afin de couper le ravitaillement de l’ennemi aux Salomon. Autour de l'île de Savo, dans la partie orientale du détroit la marine US subit une véritable déroute.
9 AOÛT
Au prix de combats féroces et avec l’appui des navires qui inondent le terrain d’obus, les Marines se rendent maîtres de Florida et des îlots. Dans les semaines qui suivent, ils vont faire de Tulagi, l’un des ports les mieux abrités du Pacifique sud, une précieuse base navale et de ravitaillement.
MI-AOÛT
La flotte japonaise a été repérée. L’état-major US, par prudence, fait faire demi-tour aux navires de transport avant l’engagement naval aux allures de désastre qui envoie par le fond trois croiseurs américains et en endommage un quatrième. A terre, la situation est délicate.
Les 11 145 Marines (il en était prévu 15 000) n’ont plus ni couverture aérienne ni soutien d’artillerie lourde alors qu’à midi chaque jour, les Zéros attaquent en piqué. La moitié du matériel n’a pu être débarquée, ils n’ont aucune pelle par exemple. Malgré tout, le chantier de l’aérodrome avance, en grande partie grâce au matériel japonais abandonné sur place.
20 AOÛT
Du renfort, enfin :12 bombardiers et 19 chasseurs se posent sur les 800 mètres de la piste de Henderson Field, nom donné au terrain en hommage à un pilote qui s'était illustré mais avait trouvé la mort lors de la bataille navale de Midway.
NUIT DU 21 AOÛT
2 000 combattants, dont une des fameuses divisions Sendai, débarquent à Lunga Bay mais en ordre dispersé. Les assaillants se font hacher, notamment par les chars légers américains capables de se déplacer sur le sable. Au petit jour, plus de 800 cadavres jonchent la plage. Leur colonel, Ishiki, se suicide sur place.
FIN AOÛT - DEBUT SEPTEMBRE
Hyakutake reçoit l’appui d’une vague de débarquements successifs que les Marines baptisent le Tokyo express. Henderson Field est la cible des bombes aériennes mais la réparation est toujours rapide. Dans la jungle, le stress et les maladies font autant de ravages que les armes. Avec le renfort d’une escadre, les aviateurs américains signent une belle victoire (24 août).
10 SEPTEMBRE
Commandés par le général Kawaguchi, 6 000 fusiliers marins sont envoyés sur l’île. Mais comme le 21 août, les difficultés d’approche lancent les troupes en ordre dispersé. Une audacieuse manoeuvre de commando US permet de s’emparer de leur camp. Les soldats impériaux se regroupent à flanc de montagne, leurs rangs grossis par les renforts débarquant.
A PARTIR DU 12 SEPTEMBRE
Après avoir tenté de déloger leurs adversaires de Bloody ridge, la corniche sanglante, les Marines reculent, jusqu’à moins d’un kilomètre de Henderson Field. Réfugiés au sommet d’une colline, les assiégés sont sauvés à leur tour par l’arrivée de renforts aériens. Dans l’intense bombardement qu’ils déclenchent périssent 2 000 Japonais. Les combats dans l’obscurité, parfois au corps-à-corps, font le reste. Kawaguchi et ce qui reste de ses troupes se replient.
OCTOBRE
Toujours plus de moyens sont mobilisés par l’état-major japonais. Face à des Marines harassés et malades se dresse bientôt une armée de 25 000 hommes frais.
NUIT DU 11 OCTOBRE
Une vaste offensive est lancée mais malgré leur excellence au combat nocturne, les Nippons perdent 80 % de leurs moyens maritimes.
MI-OCTOBRE
Symbole du prix accordé à la reconquête du terrain d’aviation, Tokyo joue la loi du nombre. Des attaques de diversion permettent de débarquer les troupes sur plusieurs versants de l’île. Pour les plus éloignés, il faut deux jours pour traverser avec 25 kg de matériel sur le dos la chaîne et sa végétation. Précédés par un incessant bombardement maritime, 130 000 hommes convergent vers Henderson field. Face à eux, 20 000 Américains à bout de forces savent qu’il faut tenir ou mourir.
18 OCTOBRE
La nouvelle galvanise les Marines : en remplacement de Gormley, jugé trop indécis, l’amiral en chef Nimitz a nommé le fougueux et populaire vice-amiral Halsey (photo DR) aux commandes de la zone du Pacifique sud. Les renforts ne vont pas tarder.
24 OCTOBRE
Henderson Field, où une seconde piste a été aménagée, est près de tomber. Mais la position va être sauvée grâce à deux sections de mitrailleuses. Sans repos ni ravitaillement, les mitrailleurs du sergent John Basilone (Photo DR) stoppent les vagues d’assaut de la 2e division d'infanterie japonaise. Lorsque la relève arrive deux jours plus tard, seuls Basilone et deux survivants sont encore en état de combattre.
26 OCTOBRE
« Attaquez. Je répète : attaquez ! », s’est époumoné Halsey depuis son QG de Nouméa. Mais au large des iles Santa Cruz, dans l’est de l’archipel des Salomon, l’engagement naval coûte cher. Un porte-avion et un destroyer sont coulés. Un autre porte-avion, un cuirassé neuf, un croiseur ainsi qu’un destroyer sont endommagés. Au fond de l’eau gisent 74 avions. Les Japonais s’en tirent sans naufrage mais deux de leurs porte-avions et un croiseur sont gravement touchés et 100 de leurs avions sont perdus.
13-15 NOVEMBRE
C’est l’affrontement naval décisif dans le détroit de Guadalcanal. Il dure trois jours -ou plutôt trois nuits. Malgré les cuirassés de dernière génération envoyés par Halsey, neuf navires sont coulés et deux des trois contre-amiraux tués lors de la première nuit. La flotte japonaise, dont deux cuirassés, un croiseur lourd et trois destroyers sont au tapis, ne profite pas de son avantage.
Manque de lucidité de son commandant, l’amiral Abe, lui aussi gravement blessé ? Yamamoto, le stratège en chef, s’exaspère. La nuit suivante, l’affrontement tourne de nouveau à l’avantage des Japonais, malgré de lourdes pertes ; mais comme Abe, l’amiral Kondo rompt les hostilités. Il estime que la voie pour le débarquement des transports de troupes est libre. Erreur : au petit jour, les péniches de débarquement qui se sont volontairement échouées sont une proie facile pour les pilotes US. De 2000 à 3000 Japonais parviennent à débarquer mais nombre d’autres ont trouvé la mort et la plus grande part du ravitaillement est détruit.
NUIT DU 30 NOVEMBRE
La flotte nippone coule un croiseur et endommage lourdement trois autres navires mais ne parvient pas à tirer profit de la situation. Dans ses flancs repartent les troupes prévues en renfort qui n’ont pu être débarquées.
DEBUT DECEMBRE
Sortis des arsenaux à un rythme accéléré, des navires de l’US Navy arrivent toujours plus nombreux. Sur l’eau comme dans les airs, la mainmise américaine s’étend.
9 DECEMBRE
Vandergrift et ceux qui restent des Marines de la première heure sont relevés. Les remplacent le général Patch, la deuxième division de Marines et deux divisions de l’infanterie.
JANVIER 1943
Privée d’appui désormais, une partie des troupes japonaises s’est regroupée sur le mont Austen, à quelques kilomètres du terrain d’aviation. Une position qui leur permet d’observer les manœuvres de l’adversaire, en dépit des très difficiles conditions de vie qui sont les leurs désormais. Avant de s’en prendre au reste des effectifs, sur la partie ouest de l’île, Le général Alexander Patch (Photo DR) décide que l'urgence est de nettoyer la place.
FIN JANVIER
Dans la jungle ou dans les hautes herbes mais toujours dans la poisseur de l’air, chaque geste est un calvaire. Le ravitaillement s’effectue à dos d’homme. Les blessés sont évacués par des pistes accidentées. Terrés dans des tranchées ou des grottes, les Japonais offrent une résistance héroïque. Les déloger se fait à la grenade, au lance-flammes ou au mortier. Bien des combats se terminent au corps-à-corps. Patch décide de contourner l’obstacle et concentre ses efforts sur les troupes de Hyakutake, à l’ouest de Guadalcanal. De fait, le général et son état-major ont déjà levé le camp. Ils ont été rapatriés sur la grande île de Bougainville afin d’organiser la défense de leurs positions en Nouvelle-Guinée, estimant Guadalcanal perdue.
DEBUT FEVRIER
Les derniers raids du Tokyo Express ne servent plus qu’à évacuer entre 7 000 et 8 000 combattants survivants de l’Empire. Certains sont blessés, beaucoup sont malades, tous sont affamés, réduits à se nourrir de racines et d’écorces. Dans la forêt, quelques-uns ont fini dans la marmite des tribus autochtones.
7 FEVRIER
L’US Army est maîtresse de l'« Ile de la mort », comme l’appellent désormais les Japonais. Jonché des épaves de 67 navires et de plus de 1 300 avions, le détroit de Guadalcanal passe à la postérité comme "la mer de la rouille" (rust sea) ou « Détroit au fond de ferraille » (« Iron Bottom Sound »). 7 100 Américains et 31 000 Japonais y ont laissé leur vie.